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  • Photo du rédacteurMe Aline Gonzalez

Le Harcèlement Scolaire : mieux comprendre pour mieux lutter

Dernière mise à jour : 21 avr. 2023

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Depuis 2015, l’Éducation Nationale a fait du premier jeudi de novembre la journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Exceptionnellement, il s’agit cette année du deuxième jeudi soit le 10 novembre. Cette journée est l’occasion de sensibiliser grands et petits au harcèlement scolaire. Parce que mieux comprendre permet de mieux lutter, faisons le point !


Le harcèlement : définition !


Il est intéressant de constater que l’étymologie du verbe harceler renvoi à l’ancien français herceler et herser, qui sont synonyme de torturer. Selon Le Larousse, harceler c’est assailir quelqu’un avec d’incessantes petites attaques et de le soumettre de façon continue à des demandes, des critiques, des réclamations mais également à des pressions.

Le harcèlement est donc une forme de violence répétée qui peut être verbale (moqueries, insultes, railleries), physique (grimaces, gestes obscènes, coups) ou psychologique (propagation de rumeurs, processus d’isolement).

Le harcèlement scolaire est une forme de harcèlement moral et désigne, quant à lui, les violences perpétrées au sein de l’école par un ou plusieurs élèves à l’encontre d’une victime qui n‘est pas en capacité de se défendre. Le harcèlement se fonde principalement sur le rejet de la différence et sur la stigmatisation de certaines caractéristiques. On peut notamment citer :

  • L’apparence physique ;

  • Le sexe ;

  • L’orientation sexuelle ;

  • Un handicap ;

  • Un trouble de la communication ;

  • L’appartenance à un groupe social ou culturel différent ;

  • Des centres d’intérêts différents.


Les enquêtes sociologiques ont démontré que le harcèlement scolaire commence à se développer dès l’école primaire pour ensuite s’accroitre au collège et au lycée. Ce phénomène s’explique notamment par les différents stades de socialisation que l’enfant traverse en grandissant.


En effet, lorsque les enfants atteignent l’âge d’aller à l’école, ils entrent dans ce que les sociologues appellent la « socialisation secondaire ». À la différence de la « socialisation primaire » lors de laquelle l’enfant grandit auprès de ses proches qui l’éduquent avec leur propre vision du monde, la socialisation secondaire permet à l’enfant de se rendre compte qu’il existe plusieurs visions du monde.


Il s’agit d’un apprentissage de la différence qui peut parfois être violent pour l’enfant. Cette violence se caractérise alors par un rejet de cette différence. Il faut ajouter à cela que l’enfant est, comme l’adulte, un être social. Pour trouver sa place dans la société, ou comme ici à l’école, il aura une volonté d’intégrer et d’appartenir au groupe social dominant. Pour ne pas être marginalisé, mieux vaut alors marginaliser l’autre.


Et le cyberharcèlement ?


Avec l’accroissement permanent de l’utilisation des nouvelles technologies de communication auxquelles les élèves ont aujourd’hui accès (téléphones portables, réseaux sociaux, etc.), le harcèlement se poursuit également en dehors des établissements scolaires et les victimes n’ont aucun répit. C’est ce que l’on nomme le cyberharcèlement. Le cyberharcèlement est considéré par la loi comme une circonstance aggravante du harcèlement moral (article 222-33-2-2 4°du Code pénal) :

« Lorsque les faits ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique » les peines sont portées à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. »

Le cyberharcèlement est défini comme « un acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».

Dans le cadre scolaire, il peut se définir comme « des propos diffamatoires, du harcèlement ou de la discrimination, la divulgation d’informations personnelles ou des propos humiliants, agressifs, vulgaires » perpétrés via un outil de communication public (téléphones portables, messageries instantanées, forums, chats, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, sites de partage de photographies, etc.).

Le cyberharcèlement n’est pas uniquement la transposition du harcèlement vers le monde numérique. En effet, l’anonymat provoque une asymétrie de pouvoir encore plus importante qu’au sein de l’école dans la mesure où il permet à l’agresseur de se sentir davantage en sécurité, dissimulé par son écran. Ainsi, il ose faire davantage que s’il était en face de sa victime.


De plus, la dimension numérique limite les niveaux d’empathie des agresseurs qui ne voient pas directement les conséquences et les effets néfastes de leurs actes sur leur victime. Du côté de la victime, cette dernière peut avoir un sentiment d’impuissance plus accrue dans la mesure où, à cause de l’anonymat, elle n’identifie pas forcément ses agresseurs.


À la différence du harcèlement au sein de l’école, la multiplication et la dissémination des messages n’ont pas de limite. Une fois le message publié en ligne, les auteurs- agresseurs n’ont plus de maîtrise sur sa diffusion et il peut être repris, transféré, partagé, commenté par d’autres utilisateurs à l’infini. Le nombre de témoins potentiels est donc illimité.


Les chiffres du harcèlement scolaire dans le monde


Pour pouvoir quantifier le nombre de personnes victimes de harcèlement scolaire, les chercheurs s’appuient sur le concept de « climat scolaire » qui renvoie « à la qualité et au style de vie à l’école. Il repose sur les modèles qu’ont les personnes de leur expérience de vie à l’école, il reflète les normes, les buts, les valeurs, les relations interpersonnelles, les pratiques d’enseignement, d’apprentissage, de management et la structure organisationnelle inclus dans la vie de l’école ».


Le rapport sur la situation de la violence et du harcèlement à l'école dans le monde, publié par l'UNESCO en 2017, évaluait à 246 millions le nombre d'enfants touchés par le phénomène, soit, selon les pays, entre moins de 10 % et 65 % des enfants scolarisés. Plus récemment, l'UNICEF rapportait qu'au sein des 30 pays étudiés, un enfant sur trois disait avoir été victime de harcèlement en ligne.


Les chiffres du harcèlement scolaire dans le cadre de la France


En France, ce sont près de 700 000 élèves qui sont victimes de harcèlement scolaire, dont la moitié de manière sévère. Éric Debardieux, pédagogue français spécialisé dans les violences en milieu scolaire, estime à 10% le pourcentage d’élèves harcelés, ce qui représente environ 3 élèves par classes.

La plupart du temps, les cas de harcèlement débutent dès l'école primaire (12%), 10% se produisent au collège, 4% au lycée. Plus grave, 61% des élèves harcelés disent avoir des pensées suicidaires. Enfin, il faut noter que 20% des élèves âgés de 6 à 18 ans ont déjà été confrontés au moins une fois à une situation de cyberharcèlement.


Quels sont les conséquences du harcèlement scolaire sur la personnalité et la santé de l’enfant ?


Le harcèlement scolaire peut avoir des conséquences à court terme (dans les 6 premiers mois), à moyen terme (dans les deux ou trois ans qui suivent le harcèlement) ainsi qu’à long terme (après 5 ans et la vie durant) sur la santé de l’enfant.


En ce qui concerne les effets à court terme, l’anxiété est le premier symptôme qu’un enfant victime de harcèlement peut ressentir. Elle est à l’origine de contre-performances scolaires ou encore de troubles du sommeil ce qui entrave la concentration et accentue ainsi les difficultés d’apprentissage.


L’anxiété est également à l’origine de la peur de l’enfant de se rendre à l’école et peut déclencher à moyen terme une phobie-scolaire qui peut se solder par une déscolarisation de l’enfant. En réponse au manque d’implication de certains personnels éducatifs face à une victime de harcèlement, certains parents décident de changer l’enfant d’établissement en cours d’année scolaire.


En faisant ainsi, les parents peuvent sans le savoir faire courir le risque à leur enfant d’être à nouveau victime de harcèlement. En effet, comme le montre la pédopsychiatre Nicole Catheline, l’enfant ayant perdu toute estime de soi, craindra de voir ces mêmes phénomènes se reproduire ailleurs. Il lui faudra un certain temps, même accompagné par un psychologue, pour admettre qu’il n’est pas responsable des violences subies.


« Au cours de cette période d’incertitude, [la victime] adoptera le langage corporel de la peur, qu’un potentiel nouveau harceleur ne manquera pas de repérer au besoin, et la spirale reprendra. »

Certains spécialistes de l’enfance conseillent de s’assurer que l’enfant victime de harcèlement n’a plus peur d’une éventuelle récidive, en d’autres termes qu’il ait récupéré une certaine estime de lui-même, avant de bouleverser son quotidien et son réseau de sociabilité.

La cyberviolence déclenche également du stress, de l’anxiété et de la détresse émotionnelle. Toutefois, les répercussions sont « plus violentes » dans la mesure où les images et les propos concernant la victime sont lus et/ou vus dans un laps de temps très court par un grand nombre de personnes qu’elle ne connait pas. Cela aggrave le sentiment d’être livrée à la vindicte populaire.

À moyen terme, le stress engendré par la situation de harcèlement peut provoquer des comportements suicidaires chez la victime. Ce n’est pas un danger à prendre à la légère puisque sur le long court, un enfant harcelé en primaire à 4 fois plus de risque de faire une tentative de suicide à l’adolescence.


Être harcelé au cours de son enfance ou de son adolescence augmente également le danger de développer une dépression à l’âge adulte.


Le harcèlement peut avoir des conséquences importantes sur le développement psychologique et social de l'enfant et de l'adolescent, comme le développement d’un sentiment de honte ou encore la perte d'estime de soi.


S'ils ne sont pas pris en compte et traités, ces effets peuvent se prolonger à l'âge adulte.


Le harcèlement scolaire constitue aujourd’hui un délit à part entière, que dit la loi ?


La loi du 2 mars 2022 visant à lutter contre le harcèlement scolaire crée un nouveau délit, celui de harcèlement scolaire. Cette infraction est prévue par l’article 222-33-2-3 du Code pénal :


« Constituent un harcèlement scolaire les faits de harcèlement moral définis aux quatre premiers alinéas de l'article 222-33-2-2 lorsqu'ils sont commis à l'encontre d'un élève par toute personne étudiant ou exerçant une activité professionnelle au sein du même établissement d'enseignement. »

En d’autres termes, les faits de harcèlement moral commis à l'encontre d'un élève constituent un harcèlement scolaire.

Ce harcèlement scolaire est puni de :

  • 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsqu'il a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours ou n'a entraîné aucune incapacité de travail ;

  • 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours ;

  • 10 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende lorsque les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.


Ces sanctions peuvent toujours être prononcées lorsque les faits de harcèlement se poursuivent alors que l'auteur ou la victime n'étudie plus ou n'exerce plus au sein de l'établissement.

Un stage de « sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire » pourra être également prononcé par le juge à titre de peine complémentaire.


Droit à une scolarité sans harcèlement


Cette loi de 2022 est le prolongement de la loi du 26 juillet 2019 permettant à tout enfant de suivre une scolarité sans harcèlement scolaire.


« Aucun élève ou étudiant ne doit subir de faits de harcèlement résultant de propos ou comportements, commis au sein de l'établissement d'enseignement ou en marge de la vie scolaire ou universitaire et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de dégrader ses conditions d'apprentissage ».

Depuis 2017, les gouvernements successifs ont mis en place et amélioré le programme pHARe, véritable politique de prévention contre le harcèlement et le cyberharcèlement. Ce programme est fondé autour de 8 piliers :

  1. Mesurer le climat scolaire ;

  2. Éduquer pour prévenir les phénomènes de harcèlement ;

  3. Former une communauté protectrice de professionnels et de personnels pour les élèves ;

  4. Intervenir efficacement sur les situations de harcèlement ;

  5. Associer les parents et les partenaires et communiquer sur le programme ;

  6. Mobiliser les instances de démocratie scolaire et le comité d'éducation à la santé, à la citoyenneté et à l'environnement ;

  7. Suivre l'impact de ces actions ;

  8. Mettre à disposition une plateforme dédiée aux ressources.

Le programme pHARe, lancé en 2021 dans les écoles et les collèges, va être étendu aux lycées à la rentrée 2023.


Conformément à la politique de lutte contre le harcèlement scolaire, une information sur les risques liés au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement est dispensée chaque année aux élèves et aux parents d'élèves. L'ensemble des personnels intervenant dans un établissement scolaire doit recevoir, dans le cadre de leur formation initiale, une formation à la prévention des faits de harcèlement scolaire ou universitaire et à la prise en charge des victimes, des témoins comme des auteurs de ces faits.

Afin de mieux prendre en charge les victimes et leurs harceleurs, le projet d'école ou d'établissement devra fixer les lignes directrices et les procédures destinées à la prévention, à la détection et au traitement des faits de harcèlement. Pour ce faire, les personnels de la communauté éducative associent les médecins, les infirmiers, les assistants de service social et les psychologues de l’Éducation nationale intervenant au sein de l'école ou de l'établissement.

Aujourd’hui, les parents et enfants victimes de harcèlement scolaire peuvent obtenir de l’aide avec la plate-forme téléphonique mise en place par le ministère de l’Éducation nationale pour signaler les situations de harcèlement entre élèves.

Il s’agit du 3020, joignable du lundi au vendredi, sauf jours fériés, de 9h à 20h du lundi au vendredi et de 9h à 18h le samedi. Si votre enfant est victime de harcèlement scolaire, n’hésitez pas à en parler à la direction de votre établissement pour matérialiser les faits et n’hésitez pas à vous renseigner auprès d’un avocat pour déposer plainte.

Si votre enfant est concerné par le cyberharcèlement, qu’il en soit victime ou témoin, l’Association e-Enfance peut être contactée au 3018, le numéro national pour les victimes de violences numériques. L’Association est le point d’entrée unique sur tous les enjeux liés aux usages numériques des jeunes et à l’accompagnement à la parentalité numérique.

En dépit des actions mises en œuvre, le harcèlement scolaire poursuit sa constante progression sur ces dernières années, beaucoup de progrès et d’effort sont encore nécessaire pour éradiquer ce fléau.


Mais que dit le Juge ?


La jurisprudence administrative admet la condamnation des établissements publics en cas de suicide dès lors que le personnel scolaire à connaissance des faits. En effet, le Tribunal administratif de Versailles a ainsi reconnu dans son jugement du 26 janvier 2017 que :


« L’absence de réaction appropriée à des évènements et des échanges hostiles entre élèves qui se déroulaient pour partie sur les lieux et pendant le temps scolaire caractérise un défaut d’organisation du service public de l’enseignement de nature à engager la responsabilité de l’administration ».

 

En résumé,


Bibliographie


Blaya, Catherine. « Le cyberharcèlement chez les jeunes », Enfance, vol. 3, no. 3, 2018, pp. 421-439.


Debardieux Éric. « Du « climat scolaire » : définitions, effets et politiques publiques », ÉDUCATION & FORMATIONS N° 88-89 DÉCEMBRE 2015.


Catheline Nicole . « Chapitre IV Les Conséquences », Le harcèlement scolaire. Presses Universitaires de France, 2018, pp.81-88 .



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